Le commissaire à l'Agriculture Franz Fischler, qui dévoilera cette semaine ses intentions en la matière, avait une première occasion de les tester auprès des ministres européens chargés du secteur, réunis informellement dimanche à Taormina (Italie).
Au même titre que les céréales et le lait, les deux secteurs sur lesquels les Européens ont eu le plus de mal à s'entendre lors de la réforme de la PAC fin juin, le dossier du sucre, lourd en enjeux économiques, s'avère ultra-sensible.
Dans une communication qu'il présentera mardi au Parlement européen à Strasbourg, le commissaire avance trois scénarios possibles: statu quo du régime d'aides actuel; libéralisation complète; réduction des prix de soutiens internes et élimination progressive des quotas de production à l'horizon 2013.
Bruxelles privilégie à mots couverts cette dernière hypothèse, qui s'inspire de la réforme de la PAC. Mais M. Fischler entend laisser le débat se décanter plusieurs mois avant de mettre un projet formel de réforme sur la table début 2004.
"La discussion promet d'être chaude. On va sûrement assister à la formation d'un groupement d'intérêts avec la France et l'Allemagne", prédit une source européenne.
L'Union européenne est un acteur clé sur le marché mondial du sucre. Elle pèse 13% de la production (15 à 18 millions de tonnes par an, dont plus de la moitié pour le couple franco-allemand), 12% de la consommation, 15% des exportations et seulement 5% des importations.
Avec l'élargissement à 10 nouveaux pays au 1er mai 2004, la superficie consacrée à la culture des betteraves à sucre (1,8 million d'hectares) pourrait augmenter de 30% et la production communautaire de sucre de 15%, selon la Commission.
Une prorogation des aides actuelles au-delà de leur échéance de 2006 sonnerait comme une déclaration de guerre aux partenaires commerciaux de l'UE, alors que l'Australie, le Brésil et la Thaïlande ont attaqué cet été le régime européen devant l'Organisation mondiale du commerce (OMC).
Une libéralisation complète serait tout aussi explosive en interne, avec le risque reconnu par Bruxelles d'une "disparition irréversible d'une grande partie de l'industrie sucrière communautaire" et d'une "diminution des revenus des producteurs aux effets significatifs sur certaines communautés rurales".
A l'heure actuelle, le revenu moyen des 230.000 exploitations betteravières des Quinze est 1,7 fois supérieur à celui des autres agriculteurs européens.
Dans ce contexte, le scénario médian d'une réduction des prix de soutien (-40% sur le sucre blanc) et de l'élimination progressive des quotas de production d'ici 2013 n'évacuerait pas la nécessité de mesures de restructuration.
Il aurait aussi l'inconvénient de diminuer les revenus des producteurs et les recettes des pays ACP (Afrique-Caraïbes-Pacifique), qui bénéficient d'un accès à prix préférentiels au marché européen.
Selon la Commission, il faciliterait toutefois une reconversion en douceur améliorant la compétitivité du secteur. Il réduirait aussi les excédents de production, les distorsions concomitantes des échanges mondiaux, les prix à la consommation et les coûts pour le budget européen.
Outre la production sucrière, Bruxelles doit dévoiler cette semaine des propositions de réforme des secteurs de l'huile d'olive, du tabac et du coton, fondées sur l'idée phare de la réforme de la PAC: le "découplage" entre les montants des aides directes aux exploitants et le niveau de leur production. |